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Rétroflexion vocalique en mandarin

 

I. La forme -er
II. Modifications vocaliques    
III. Modifications dues aux tons 
   

Ce document propose une analyse phonétique d'un phénomène concernant la réalisation des syllabes chinoises. Il est recommandé de consulter auparavant l'article sur la structure phonologique de la syllabe. Pour une analyse sémantique du suffixe -er, consulter ce document.

Les sinogrammes sont proposés en graphie traditionnelle suivie de la graphie simplifiée.

 

I. La forme -er

Il existe en mandarin un caractère en marge du système phonologique de la syllabe. En effet, alors que la norme semble être un caractère = un morphème = une syllabe, le caractère 兒 / 儿 est pour sa part asyllabique : il joue un rôle sur la syllabe précédente, qu'il modifie phonétiquement, et ne possède pas de réalisation phonétique propre (il faut cependant noter que 兒 / 儿 est aussi un caractère indépendant, et non seulement un modificateur, et qu’il se prononce dans ce cas ér : 兒子 / 儿子 érzǐ ).

Ce suffixe – hormis quand il s'agit du caractère – sert seulement à indiquer que le segment jouant le rôle de la voyelle dans la syllabe précédente est rétroflexe, c'est-à-dire prononcé avec la pointe de la langue venant se placer derrière les alvéoles, au niveau du palais dur, mais sans le toucher. Les voyelles acquièrent alors un timbre différent très caractéristique. L'adjonction d'un tel suffixe peut changer ou non le sens du sinogramme. Pour une analyse sémantique de ce suffixe, consulter ce document

Le suffixe rétroflexe est noté en pīnyīn par la lettre -r directement collée à la syllabe modifiée. Comme on le verra, cette convention orthographique manque de clarté.


 

II. Modifications vocaliques

Le pīnyīn se contente de rajouter un -r à la suite de la syllabe rétrofléchie. Cette notation n'est pas suffisante, puisque les modification subies par la syllabe sont variables et dépendent de sa structure.

A) Altérations du sous-segment final

Le trait marquant de la suffixation en -er est la neutralisation que peut subir le sous-segment syllabique final. En effet, si sa valeur de départ est /i/, /n/ ou /ø/, celle-ci passe à /ø/. Si ce sous-segment vaut /ŋ/, il n'est plus prononcé mais le somment vocalique de la syllabe est nasalisé ; enfin, /u/ est considéré comme une voyelle à part entière et son cas est traité dans la sous-partie suivante : 

/x‑x₊x₊i/ + /-r/ >

/x‑x₊x₊ø/ + /-r/

/x‑x₊x₊n/ + /-r/ >
/x‑x₊x₊ø/ + /-r/ =
/x‑v₊ŋ/ + /-r/ >

/x‑ṽ₊ø/ + /-r/

Légende : 

Dans ces exemples, les syllabes en italique de la colonne de gauche correspondent à la notation pīnyīn, celles de droite à ce qu'il faudrait écrire pour lever toute ambiguïté : 

/b‑ø₊a₊i/ + /-r/
bair
>

/b‑ø₊a₊ø-r/
bar

/b‑i₊a₊n/ + /-r/
bianr
> /b‑i₊a₊ø-r/
biar
/b‑i₊e₊ø/ + /-r/
bier
= /b‑i₊e₊ø-r/
bier
/b‑i₊a₊ŋ/ + /-r/
bengr
>

/b‑i₊ẽ₊ø-r/
biẽr

 

 

B) Rétroflexion et apophonie du dernier sous-segment vocalique

Outre la neutralisation du dernier sous-segment, c'est la voyelle proprement dite de la syllabe (c'est-à-dire le dernier sous-segment à jouer le rôle de la voyelle après la neutralisation) qui est le plus modifiée : celle-ci, en effet, subit la rétroflexion proprement dite. La pointe de la langue se place en arrière des alvéoles, au niveau du palais dur, sans le toucher, de manière à laisser l'air passer librement tout en colorant la voyelle. En A.P.I., la rétroflexion vocalique est est indiquée au moyen du signe [˞].

Ce faisant, la voyelle (ou la résonance vocalique d'une syllabe sans finale) peut aussi subir une apophonie, ou changement de timbre, ce que le pīnyīn, encore une fois, ne note pas clairement. On note dans ce cas une neutralisation des timbres, qui sont ramenés à quatre valeurs phonétiques, [a˞], [o˞],[ɚ] et [u˞]. Les sommets /i/ et /ü/ perdent leur identité en ne devenant qu'un appendice palatal devant [ɚ] : 

Sommet vocalique

/a+r/

/o+r/ /u+r/

/e+r/, /i+r/ /ü+r/ et /ø+r/

Réalisation

[a˞]

[o˞] [u˞]

[ɚ], [jɚ], [ɥɚ] et [ɚ]

 

Il ne faut pas perdre de vue que la notation en pīnyīn peut être synthétique et masquer le sommet vocalique : ainsi -ui vaut /-uei/, -un /-uen/, et -ün /-üen/ ; partant, la rétroflexion porte sur /e/ et non sur /u/ ou /ü/ :

 -uir   =   /-uei/ + /r/   >   /-ueø-r/   =   [wɚ]
 -unr    =   /-uen/ + /r/    >   /-ueø-r/   =   [wɚ]
 -ünr   =   /-üen/ + /r/    >   /-üeø-r/   =   [ɥɚ]

 

Enfin, le sous-segment initial, quelle que soit sa valeur, n'est pas touché si le sous-segment médian n'est pas nul  ; /-ieø/, /-uoø/ et /-üeø/  sont traités de la même manière : l'on obtient la voyelle médiane rétrofléchie précédée du sous-segment de départ, soient respectivement [jɚ], [wo˞] et [ɥɚ].

 

[plan] 


 

C) Synthèse

 

Les effets de la neutralisation permettent de traiter ensemble plusieurs finales (pour la notation en pīnyīn correspondant aux finales, consulter ce document ; les finales en petits caractères sont les variantes précédées d'un premier sous-segment non nul). 

 

    [ɚ]   事兒 shìr [ʂɚ]

-a, -ia, -ua, -ai -uai, -an, -ian, -uan, -üan

 

  [a˞], [ja˞], [wa˞], [ɥa˞]

  邊兒 biānr [b̥ja˞]

-e, -ie, -üe, -ei -uei, -en -uen, -üen 

 

  [ɚ], [jɚ], [wɚ], [ɥɚ]

  這兒 zhèir [ɖ̥ʐɚ]

-o, uo,

 

  [o˞], [wo˞]

  錯兒 cuòr [tshwo˞]

-i, in 

 

  [jɚ]

  雞兒 jīr [tɕjɚ]

-u, -ou, -iou, au -iau 

+ r 

  [u˞], [o], [jo], [a], [ja]  

  兔兒 tùr [thu˞]

-ü 

 

  [ɥɚ]

  曲兒 qǔr [tɕhɥɚ]

-aŋ, -iaŋ, -uaŋ 

 

  [ɑ̃˞], [jɑ̃˞], [wɑ̃˞]

  筐兒 kuāngr [khwɑ̃˞]

-eŋ 

 

  [ǝ̃˞]

  凳兒 dèngr [d̥ǝ̃˞]

-uŋ, -iuŋ 

 

  [ũ˞], [jũ˞]

  用兒 yòngr [jũ˞]

-iŋ 

 

  [jǝ̃˞]

  影兒 yǐngr [jǝ̃˞]

 

[plan]


 

III. Altérations dues aux tons

 Lorsque le timbre vocalique obtenu après rétroflexion est [ɚ] (non nasalisé), il se produit une variation de timbre due au ton de la syllabe. En effet, aux deux derniers tons, [ɚ], passe à [ʌ˞ː], soit une voyelle plus longue et plus ouverte. Ce phénomène permet de poser une opposition phonétique non pertinente entre deux phonèmes en distribution complémentaire : [ɚ]1-2 ~ [ʌ˞ː]3-4 (les chiffres en exposant indiquent les tons).

Ainsi, le tableau précédent peut être réinterprété : 

Finale

tons 1 et 2 tons 3 et 4

-ø +r

  [ɚ]   [ʌ˞ː]

-e, -ie, -üe, -ei -uei, -en -uen, -üen +r

  [ɚ], [jɚ], [wɚ], [ɥɚ]

  [ʌ˞ː], [jʌ˞ː], [wʌ˞ː], [ɥʌ˞ː]

-i, in +r

  [jɚ]

  [jʌ˞ː]

-ü +r

  [ɥɚ]

  [ɥʌ˞ː]

 

[plan]

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© Vincent Ramos, 2001  Les remarques, commentaires, corrections ou questions sont bienvenus –